Une tribune d’Alexandre Wattin, Président de l’Orface (l’Observatoire des Relations Franco-allemandes pour la Construction Européenne)

Pour la génération d’Allemands de la post-réunification, la France a perdu, depuis bien longtemps, sa « superbe », qu’elle soit politique ou culturelle. Le nain politique allemand s’est transformé en poids lourd des relations internationales et sa voix porte parfois plus haut que celle de la France. Cette reconnaissance objective de la place centrale qu’occupe désormais l’Allemagne en Europe et dans le monde est parfois volontairement occultée par la France. 

Tous les témoignages recueillis ces dernières années portent la trace à la fois d’un enthousiasme modèré et d’une analyse plus que tempérée des évolutions en cours. Les dernières rencontres entre le président Macron et la chancelier Scholz donnent néanmoins un espoir de renouveau du lien franco-allemand, auquel veut délibérément s’associer le monde associatif. 

Car, au même titre que leurs interlocuteurs officiels du service public, chargés de la coopération franco-allemande -chez ceux qui en ont fait un métier-, le lien effectif et l’élan spontané vers le partenaire ne se développent qu’au contact des difficultés. 

La mise en exergue par le chancelier allemand et le président de la République de la relance de la coopération bilatérale est encourageante mais insuffisante. 

A la veille du 60anniversaire du traité de l’Élysée, le monde associatif et le secteur privé, acteurs et moteurs de première importance pour l’avenir de la relation franco-allemande, s’interrogent à juste titre du renouvellement de cette coopération. 

Face à l’histoire du rapprochement franco-allemand, et au regard des richesses qui émanent de ce partenariat, il est du devoir de chacun de veiller à ce que ce couple sache saisir et concrétiser les opportunités que le futur lui offrira. 

Faire participer les citoyens aux évènements franco-allemands est parfois plus efficace que de prodiguer des informations sur les activités menées par des institutionnels ! Le franco-allemand n’est plus ni dans les têtes, ni même dans les cœurs de la plupart de nos compatriotes. Ceci est essentiellement dû au fait que personne n’a plus l’impression que les relations franco- allemandes les concernent. 

Au sein de la société civile franco-allemande, nombreux sont ceux qui pensent que leurs idées, leurs commentaires et leurs implications associatives et bénévoles ne sont pas recherchés et que le franco-allemand n’est plus qu’une affaire menée par les technocrates des deux États. 

Or, et l’histoire le prouve, pour que la concertation bilatérale puisse pleinement se développer, il est absolument nécessaire de remobiliser les populations. Un message doit passer : le franco-allemand est un chantier quotidien. 

Chaque citoyen doit être appelé à participer à cette œuvre historique, seulement faut-il qu’il en soit conscient et que l’on veuille bien lui en donner les moyens ! C’est la finalité des actions et l’aspect concret de la coopération en Europe qui importent aujourd’hui. 

L’enseignement majeur à tirer de ces dernières décennies reste que la coopération franco-allemande est encore suffisamment souple pour s’adapter aux nouvelles circonstances, aux nouvelles priorités des relations franco-allemandes, et que les difficultés, une fois cernées, peuvent devenir une source d’énergie pour rebondir et mieux les affronter. 

Aussi, et plus que jamais, la vigilance est de mise car la coopération entre nos deux nations ne pourra se suffire si l’on ne fait pas, à nouveau, participer les citoyens. 

Le fait d’associer les acteurs de la société franco-allemande aux nouveaux défis auquel l’Europe est confrontée serait le garant d’une veille attentive et de critiques constructives qui séduiraient de nouveau l’ensemble des individus de part et d’autre du Rhin.

En dépit de ces difficultés, la critique du passé et la lucidité sur le présent n’interdisent pas l’espoir pour l’avenir, mais c’est aux responsables politiques, en ces périodes de crises, de prendre leurs responsabilités. 

Pour toutes ces raisons, il faut relancer le partenariat franco-allemand dans les prochains mois : le 60èmeanniversaire du Traité de l’Élysée en janvier prochain devrait ainsi permettre de relancer et d’approfondir les nombreuses actions en cours entre les deux pays.

Un premier grand pas a été mis en œuvre par le Traité d’Aix la Chapelle mais il faut adopter les premiers résultats de ce traité par une déclaration politique très forte, marquant une nouvelle étape dans le renforcement de la coopération bilatérale. 

Celle-ci passe en priorité par un rapprochement des peuples pour lequel les assemblées parlementaires doivent tout particulièrement jouer un rôle essentiel ainsi que l’élargissement du partenariat à d’autres pays européens. 

L’histoire jugera … [divider][/divider]