Le « Osterhase »

ou

Les allemands croient qu’à Pâques les lièvres pondent des oeufs !

Der Osterhase, le fameux « lapin de pâques » des Allemands est un lièvre (lapin se dit Kaninchen) !… Les bons germanistes et autres adeptes de la théorie du genre auront bien sûr remarqué le masculin. Le lapin de pâques est donc un lièvre mâle qui pond des oeufs !

C’est à l’aune de ces incongruités d’outre-Rhin que l’on peut juger de la qualité de l’enseignement zoologique et biologique dispensé aux petits Français par l’école-républicaine-publique-et-laïque-gratuite. En effet, le cartésianisme de la France catholique s’en tient aux faits, rien qu’aux faits : c’est bien une pluie d’oeufs que les cloches des églises parties à Rome déverseront sur nos riantes campagnes printanières au cours de leur vol de retour à la fin de la Semaine Sainte. Voilà qui est limpide et parfaitement logique.

Non content de les pondre, le Osterhase peint ses oeufs dans son atelier au fond de son terrier, une sorte de réplique pascale de celui de ce gros bonhomme rouge, joufflu et barbu, lui aussi une créature de l’imaginaire germanique (voir dans cette même rubrique le remarquable article consacré au mythe du Père Noël, figure dérivée du dieu Wotan).

Qui plus est, le Osterhase a découvert la bipédie, parle et semble doué d’intelligence. C’est dans une hotte de vigneron qu’il va emporter ses oeufs – miraculeusement transformés en chocolat et massepain – pour aller les distribuer, ou plutôt pour aller les cacher dans les jardins (sous les meubles, dans les fonds de fauteuil, au pied des plantes en pot… quand Pâques est trop précoce, trop neigeux ou trop pluvieux).

C’est proprement pervers : il vient nous offrir des oeufs, mais il les cache. Allez y comprendre quelque chose. Nos bonnes vieilles cloches catholiques, elles au moins, elles arrosent large et sans autre discernement que celui de leur infinie charité.

Au matin de Pâques on lâche les chères têtes blondes dans le jardin (ou dans le salon), munis d’un petit nid d’osier et garni de fausse herbe verte en papier. C’est dans ce nid  qu’ils collecteront les oeufs qu’ils rapporteront triomphalement, histoire de bien montrer qu’ils sont plus malins que le lapin… ou le père (?) qui les avait caché.

Mais où les Allemands vont-ils chercher tout ça ?

Albrecht Dürer, Le Lièvre,

Le Lièvre d’ Albrecht Dürer

Autrefois, on assimilait le lapin printanier à la fertilité espérée en début de période de semailles et de plantations. Chauds – sans doute en raison de la douceur moelleuse de leur pelage – les lapins se mutliplient assez facilement. Mais dans nos cages campagnardes ce sont des lapineaux qui sortent du ventre des femelles.

Quant à l’œuf, il symbolise la germination du printemps que les vieux Germains saluaient en mangeant force oeufs en honneur de la déesse Eastre (cf. easter pour Pâques en vieux saxon et donc aussi en anglais). Tout logiquement, le lièvre était l’animal emblématique de la déesse.

Aujourd’hui, les Allemands poussent le vice jusqu’à garnir leur maison et leur jardin d’arbres de pâques ou bouquets de branches de pâques. On y pend des oeufs multicolores, comme des boules dans les sapins de Noël.

Cela dit, il faut savoir que nous revenons de loin : autrefois, en Westphalie, c’était un renard qui apportait les oeufs, en Bohême un coq et en Thuringe une cigogne. Pouvez vous imaginer que certains Suisses osaient même attribuer les oeufs au coucou ? A propos de coucou, quand les Germaniques se promènent dans la forêt printanière et qu’ils y entendent le premier coucou de l’année, ils font sonner leur monnaie dans leur poche en formulant le voeu que l’argent se multiplie. C’est sans doute à l’origine du fameux miracle économique allemand.

Mon Dieu, mais où les Allemands vont-il chercher tout ça ?