L’Allemagne est peu connue en France – sauf par les initiés – pour ses nombreuses rencontres festives, sous les tentes ou dans les grandes salles communales et brasseries, mais aussi dans les rues (des « Strassenfeste » de toutes sortes).

Parmi toutes ces fêtes, prenons le cas du Maifest (la Fête de Mai), avec son Maibaum (l’arbre de Mai) : comme bien d’autres coutumes d’Europe centrale – germaniques ou non –  cette fête remonte à des temps anciens, voire antiques,… des fêtes qui ont sans doute existé en terre gauloise aussi, mais que la rigueur de la très catholique « Fille ainée de l »Eglise » a su faire disparaître au cours des temps.

Maifest (la Fête de Mai)

Le Maifest est généralement fêté durant la première semaine de mai. Il est quasiment généralisé, dans les pays allemands, systématiquement en Bavière et en Autriche. Dans de nombreuses régions le Maifest est inséparable de l’érection d’un Maibaum, généralement un tronc d’arbre décoré et érigé par les habitants sur la place du village pour le 1er Mai.

Dans l’ancien village de pêcheurs de Poll près de Cologne la fête de mai correspondait à une grande pêche collective de « Maifischen » (poissons de mai, une sorte de petit hareng / voir l’article Wikipédia)

Plus généralement, en Rhénanie, le Maifest est l’occasion d’organiser des kermesses, du ressort des Maivereinen (associations de mai), de Junggesellengruppen (groupes de jeunes célibataires) ou de Brauchtumsgruppen (groupes de maintien des traditions). Au coeur de la fête, des rencontres sous une grande tente ou dans une grande salle communale au cours desquelles on fête un Maikönigspaar (un couple royal de mai) ou juste une Maikönigin (Reine de mai). Les usages de l’élection et de l’intronisation varient selon les lieux.

En accompagnement des rituels, l’incontournable boisson de mai, autrefois nommée früher Maitrank. La plus connue est la Maibowle, un mélange de Sekt (mousseux) et vin blanc. Mais il existe aussi le Maibock : c’est la bière brassée au printemps – pas spécialement pour cette fête seulement – qui coule à flots durant ces festivités.

Si vous aimez ces rencontres festives à l’allemande et pour vous changer des fêtes de la bière munichoises participez un jour au fameux Bernlocher Maifest, une des rencontres sous tentes parmi les plus fréquentées dans la  Schwäbische Alb (le Jura Souabe) qui se déroule sur plusieurs jours (voir sur Facebook le Bernlochermaifest)

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Maibaum au Musée de plein air Freilichtmuseum Höllberghof Langengrassau / Photo Foto: Birgit Keilbach/bkh1

Le Maibaum

L’arbre de mai est érigé au début du mois de mai sur les places publique de nombreuses communes allemandes.  Selon les régions sa décoration peut être variable. Après avoir été écorcé, le tronc (généralement celui d’un grand conifère bien droit) peut être couvert de papier crépon et décoré de guirlandes multicolores et branches de sapin. Au sommet du tronc, on suspend une couronne tressée.

En Bavière ont peint sur le tronc des spirales ascendantes, de gauche à droite, aux couleurs bleue et blanche de la Bavière, alors que, dans les Pays franconiens, les spirales sont rouges et blanches.

Dans le pays rhénans on choisit l’arbre de mai parmi les bouleaux (ou, à défaut d’un grand bouleau, on fixe petit bouleau au sommet d’un tronc bien droit de conifère).

L' »arbre » est souvent orné aussi de figurines représentant généralement les différents corps de métiers, un souvenir des vieux droits communaux et de la représentation politique de la population par corps de métiers (dits « tribus »).

La couronne tressée au sommet est le symbolise de l’honneur de la commune et de ses habitants. Elle peut devenir l’objet de convoitise de voisins envieux. On le surveille donc jalousement, jour et nuit, afin de décourager d’éventuels ravisseurs (Maibuben / garçons de mai) venus des villages voisins pour le dérober (Maibaumstehlen / le voler de l’arbre de mai) et réclamer une rançon en nature (bière et nourritures: bretzels, saucisses…). Cela rappelle quelque peu d’autres enlèvements rituels, tel celui des femmes (dont le souvenir a été immortalisé par Jacques-Louis David avec « L’enlèvement des Sabines »,… à voir au Louvre)

Maibaum-Pfaffenreuth

Maibaum à Pfaffenreuth (Oberpfalz) / Photo Walter J. Pilsak, Waldsassen

Dans les villages, ce sont les Burschenvereine (associations de jeunes gens de la Dorfjugend, la jeunesse de village) qui le dressent à la force de leurs biceps, parfois à l’aide de barres ou de filins. Mais, dans les villes qui rivalisent avec la taille de leurs arbres de mai (comme avec celle des arbres de Noël), les grues ont remplacé la force et l’ardeur juvénile.

En général, avant son érection solennelle sur la place centrale, en fin d’après-midi, une procession en fanfare à travers le village, permet de présenter l’arbre à l’ensemble de la population. Quand l’érection se fait au soir la veille du 1er mai, la manifestation se poursuit par un bal, le Maitanz. Pendant que les villageois observent avec attention comment les jeunes gens achèvent la mise en place de l’arbre et sa décoration, ils dégustent des saucisses et la bière coule à flots.

L’arbre de mai restera en place plus ou moins longtemps, selon les habitudes locales, jusqu’à la fin du mois, parfois jusqu’en automne.

Ici ou là, on abat chaque année un arbre nouveau. Ailleurs on ré-emploie toujours le même tronc. Dans certains villages de Frise, le tronc est immergé dans l’eau tout au long de l’année, afin de bien le conserver. En Bavière où l’on ré-emploie systématiquement les troncs, on trouve aussi les plus hauts, dont un record avec 56 mètres (!). En Rhénanie les tronc annuels dépassent rarement les 20-25 mètres. Les arbres non réutilisés feront seront vendus aux enchères comme bois de chauffe…. Mais, bien souvent le vainqueur des enchères offre le tronc à l’association qui a organisé la fête ! Souvent, un peu partout en Bavière, on laisse l’arbre en place toute l’année. Ailleurs, surtout en Bavière supérieure (Oberbayern), on ne dresse l’arbre (généralement un grand conifère bien droit) que tous les deux, trois, quatre ou cinq ans et le laisse dressé toute l’année.

Une origine païenne

A l’origine, cette fête est au centre des rites de fécondité de la communauté. Par exemple, encore aujourd’hui on peut voir les jeunes filles  tourner autour de l’arbre et le toucher afin de leur assurer un bon mariage,… avec beaucoup d’enfants. Les rituels printaniers autour de symboles phalliques sont universels. La fête actuelle est une résurgence  au Moyen-Âge d’un vieux rite germanique, voire européen, que le Christianisme avait un temps réprimé.

Agostino_Tassi_-_Competition_on_the_Capitoline_Hill_-_WGA22037

Ce tableau d’Agostino Buonamici, dit. il Tassi, (1580–1644) représente un grand Arbre de Mai sur la Place du Capitole à Rome, un tronc écorcé le long duquel grimpent des jeunes gens.

Pour faire oublier le caractère païen du rite, dans l’Eifel, en Thuringe et en Basse Saxe, on érigeait un très chrétien Pfingstbaum (arbre de pentecôte).

Une parent proche de cet arbre rituel est  le Mittsommerbaum en Suède.

Pour aller plus loin et entrer dans le détail de ces rituels, le lien vers l’article Wikipedia où découvrir coutumes associées, les « Liebesmaien » qui concernent les jeunes gens à marier et « Maibaumstehlen » (le vol de l’arbre de mai par les jeunes gens d’un village voisin) [divider][/divider]

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