Charlemagne est mort le 28 janvier 814. La récente commémoration de ce jour funeste incite à se pencher sur son identité… ou ses « racines » selon un terme à la mode ?

Quand il fut couronné le jour de Noël 800 les Romains s’écrièrent « Vive Charles Auguste ! Vie et victoire au grand et pacifique Empereur des Romains, couronné par Dieu lui-même ».

Et pourtant ce sont les Allemands et les Français qui se disputent ce divin Romain. N’est-ce pas étrange ?

Allez donc le voir sur le parvis de Notre-Dame à Paris, en selle et entouré de ses leudes (…seine Leute) : il a des airs de bon barbare, longue barbe, cheveux longs et lourds vêtements germaniques.

Charlemagne et ses leudes devant Notre-Dame de Paris

Charlemagne et ses leudes devant Notre-Dame de Paris

Charlemagne, un Français exemplaire !

Aux yeux des Français, le Franc Charlemagne entre dans une longue lignée de héros fondateurs et promoteurs de la Nation, parmi – entre autres – Vercingétorix, Clovis, Louis XIV, Napoleon Bonaparte,… Au pays où l’école publique laïque et obligatoire est censé assurer les fondement de la conduite républicaine, la figure de l’Empereur à la longue barbe blanche suggère celle d’un grand-père gâteau des écoliers.

Karl der Grosse, un méchant allemand ?

Charlemagne comme l'imagina Albrecht Dürer en 1512

Charlemagne comme l’imagina Albrecht Dürer en 1512

Pour les Allemands, c’est le premier de leurs empereurs, l’un des plus grands régnants de leur histoire, avec Barberousse et son petit-fils Frédéric II, Charles IV, Charles Quint, le Prussien Frédéric II dit – lui aussi – le Grand, Marie-Thèrèse de Habsbourg et son fils Joseph II., et on en passe.

Parfois considéré comme précurseur du Saint Empire Romain, il a souvent été magnifié en tenue romaine. Mais certains nostalgiques d’une « germanité » mythique se souvenaient aussi que ce cruel conquérant avait été l’ordonnateur du massacre des Saxons. Ce vieux « génocide » aurait sonné le glas des « libertés germaniques » et des vieux parlements locaux (les Things)

Alors, qui a raison ?

Quand Charlemagne fit rédiger « Capitulare de villis vel curtis imperialibus » il semblait animé du souci non seulement de créer un outil encyclopédique utile, mais aussi de fondre la culture gréco-romaine avec celle du continent celto-germanique.

Son biographe Eginhard († 840) raconte aussi que Charles voulut faire coucher par écrit et dans sa langue maternelle les contes et légendes de son enfance. Quelques rares fragments ont survécu à la purge des textes païens par les clercs de l’église du Moyen-Âge. Ces textes sont en langue franque, du vieil allemand (fränkisch).

Et alors ?…  ça prouve quoi ? Rien !… Si ce n’est qu’il n’est point nécessaire de parler le français pour devenir un grand Français !

La preuve par la monnaie !

En 1996, à la surprise générale, on déterra dans les fouilles de l’ancien palais carolingien d’Ingelheim (en Rhénanie-Palatinat) une pièce de monnaie à l’effigie de Charlemagne. Et à quoi pensez-vous qu’il ressemblait ? Un Franc ? … avec une longue barbe « fleurie » (blanche) et de longs cheveux en bataille ? Non, il a une tête de César romain avec une grande moustache franque à la Bové… un franco-allemand en tenue romaine ? Probablement un Romain avant tout, au sens politique du terme, un Européen qui se revendiquait Romain… Et peut-être n’est-ce là qu’un pléonasme.

Denier de Charlemagne (812-814). Cabinet des Médailles, Paris. (Photo PGHCOM)

Denier de Charlemagne (812-814). Cabinet des Médailles, Paris. (Photo PGHCOM)