Manifeste 1918–2018

Markus Meckel

Markus Meckel

Sous l’impulsion du politicien allemand Markus Meckel (*), le groupe « Initiative 1914-1918 » appelle à préparer l’année de commémoration de la fin de la Grande Guerre en intégrant le contexte et les défis internationaux actuels et ce afin de renforcer l’engagement pour la justice et la paix.

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Le manifeste est paru le 11 novembre dans plus de 10 journeaux européens, membres de la LENA (**)

Ce devait être la guerre qui permettrait d’en finir avec toutes les guerres. Lorsqu’il y a près de cent ans, le 11 novembre 1918, la Première Guerre mondiale s’acheva sur le front occidental, il semblait que devait s’ouvrir une nouvelle ère marquée par la paix, la démocratie et les droits de l’homme, par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’entente internationale. Le droit de vote des femmes entamait sa longue marche vers le succès. La Société des Nations devait faire prévaloir le droit international. Et pour beaucoup de peuples hors d’Europe, la promesse d’un droit à l’autodétermination suscitait l’espoir de la fin du colonialisme. Pourtant, toutes les parties – vainqueurs et vaincus, nouveaux ou anciens États-nations – dilapidèrent cette chance d’une paix durable, en Europe comme dans le reste du monde. Deux décennies plus tard, l’attaque allemande contre la Pologne marquait le début d’un nouveau conflit majeur qui provoqua des dévastations encore plus graves, des victimes encore plus nombreuses et des crimes inimaginables.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe occidentale connut un développement stable et pacifique au sein de l’alliance transatlantique ; des horreurs du passé récent, elle tira des enseignements pour créer avec l’Union européenne un projet de paix et de prospérité. Aujourd’hui pourtant, près de 30 ans après l’effondrement des dictatures communistes et l’unification du continent, la démocratie, l’intégration européenne et la paix se trouvent à nouveau en danger. Bon nombre des tensions et des crises actuelles rappellent les difficultés qui devaient être résolues par les traités de paix conclus après 1918. Ce que ces traités n’ont pas réglé à l’époque se révèle aujourd’hui d’une terrifiante actualité. L’historien et diplomate suisse Paul Widmer voyait-il juste lorsqu’il déclarait en 1993 que si l’Europe avait fini par surmonter les conséquences du second conflit mondial, elle était encore en proie aux conséquences du premier ?

La Russie de Poutine peine à accepter l’indépendance de l’Ukraine, proclamée pour la première fois en 1917, et a fortiori son chemin vers l’Ouest. Il en va de même pour la Géorgie et les États baltes, eux aussi devenus indépendants pour la première fois après la Première Guerre mondiale. Les redécoupages étatiques effectués au Proche et au Moyen-Orient après 1918 se sont avérés intenables. La Turquie souffre aujourd’hui plus que jamais de la douleur fantôme d’avoir perdu l’importance qu’elle avait sous l’Empire ottoman. L‘humanité vit aujourd’hui une fois de plus dans un monde multipolaire, instable et en crise – comme après 1918.

Au cours de l’année à venir, toutes ces questions vont revenir au cœur de l’actualité. De nombreux pays d’Europe célébreront le centenaire de leur indépendance ou de leur victoire. D’autres se rappelleront surtout les défaites et leurs conséquences. À l’Ouest comme à l’Est, des mouvements populistes qui opposent le scepticisme à la démocratie parlementaire et à l’intégration européenne montent en puissance et une nouvelle vague de nationalisme menace. Sera-t-il possible de donner néanmoins une perspective européenne – renouvelée – à la commémoration de la fin de la Première Guerre mondiale ?

Il s’agit de davantage que d’évoquer le souvenir des victimes d’une guerre terrible et de ses conséquences : il faut rendre hommage à l’importance de la paix pour l’Europe et pour le monde, aux idées d’un droit international universel et à celles de la démocratie constitutionnelle. La première tentative de concrétiser ces valeurs à l’échelle mondiale après 1918 a échoué. Une deuxième tentative a été entreprise après 1945 avec la création des Nations Unies et l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; en Europe, celle-ci n’a cependant profité qu’à la moitié occidentale du continent. Après la fin de la Guerre froide, ces valeurs fondamentales ont finalement semblé l’emporter. Mais aujourd’hui, elles apparaissent de manière évidente et presque partout de nouveau sous pression. Le centenaire de la fin de la guerre et des efforts d’après 1918 pour établir un règlement de paix global apparait comme le moment opportun pour émettre, par-delà les frontières, un signal clair en faveur des droits de l’homme et de la liberté d’opinion, de l’État de droit et du respect du droit international.

C’est à cela que nous appelons ![divider][/divider]

Voir la liste des signataires du manifeste

Aller sur le site de l’Initiative 14-18    [divider][/divider]

(*) Markus Meckel (1952) à Müncheberg est un théologien et homme politique et diplomate allemand.

Opposant au régime communiste de la République démocratique allemande (RDA) depuis les années 1970. Lors de la Wende, il fut l’un des fondateurs du Parti social-démocrate de RDA en 1989 qui intégrera le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD).

En 1990, il est ministre des Affaires étrangères du cabinet de Maizière, au sein du dernier gouvernement de la RDA.

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Voir le manifeste sur le site de Markus Meckel [divider][/divider]

(**) LENA = Leading European Newspaper Alliance dont Die WELT (D), El Pais (ES), La Repubblica (It), Le Figaro (F), Le Soir (BE), Tages-Anzeiger et Tribune de Genève (CH), Magyar Nemzet (HU), Gazeta Wyborcza (PL), Novaya Gazeta (RU), Pravo (CR).[divider][/divider]

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