L’Allemagne tient un discours d’accueil, ouvre grandes ses portes, mobilise ses fonctionnaires et d’innombrables bénévoles, recense et aménage les locaux disponibles pour accueillir les victimes des massacres au Proche-Orient.

L’émotion est à la mesure du vertige de novembre 89 quand l’Ouest ouvrait ses bras à l’Est. Nombre d’Allemands vivent ce moment comme une confirmation et un prolongement d’un retour à une culture d’accueil ancestrale qu’un siècle de tentation impériale et d’aventures nationalistes avait relégué dans l’ombre. L’Allemagne est l’honneur de l’Europe après en avoir été le cauchemar.

Elle retrouve les temps où, peu à l’aise avec une production agricole fragile, elle accueillait pourtant les victimes de l’arbitraire absolutiste de l’Etat le plus peuplé d’Europe qui ne tolérait aucun écart à la norme catholique : la France. Les calvinistes français furent accueillis en masse et à bras ouvert. Ils ont enrichi l’Allemagne de leurs savoirs-faire et leurs enfants. Ils y ont laissé une empreinte durable dont – oh, ironie de l’histoire – les noms de grands soldats qui ont combattu la France.

L’Allemagne retourne à sa nature politique qui privilégie la souveraineté locale, qui préfère l’initiative qui vient d’en bas et refuse les arbitraires qui tombent d’en haut. Elle est redevenue solidaire, décontractée, celle que décrivaient les voyageurs d’autrefois : une bande de villageois plutôt délurés, fêtards, conviviaux  et pas trop coincés… aux antipodes de l’image qu’avait laissé le délire national-socialiste et ses conséquences funestes.

Quand les Français découvrent Berlin, c’est bien cette nation alternative qu’ils découvrent avec étonnement. Les Allemands – eux aussi – se redécouvrent dans le fil de leur vraie histoire, celle du “Soulèvement des simples gens” de 1524 qui a stoppé les prétentions aristocratiques, celle de la Paix d’Augsbourg et celle du refus de la pensée unique absolutiste qui a permis de pratiquer une laïcité effective. Si l’Allemagne ne le clame pas haut et fort, elle le vit intensément et en a probablement la conscience obscurément éprouvée.

Elle vit  son changement comme des retrouvailles collectives, dans le droit fil de novembre 89, dans l’accueil joyeux et et souriant des réfugiés. Une immense majorité de citoyens agissent sans se payer de grands mots et donnent l’exemple actif de principes dont bien d’autres ne radotent que les slogans.