Cette année nous commémorerons tous azimuts : le Centenaire du déclenchement de la Grande Guerre, les 70 ans de la Libération, le Bicentenaire de la Bataille des Nations – un avant goût de Verdun un siècle plus tôt – et la disparition de Charlemagne, ce père violent de l’Europe. La mémoire franco-allemande n’aura jamais été autant sollicitée et ce, précisément à l’issue du Cinquantenaire du Traité de l’Elysée.

Une mémoire si plurielle provoque immanquablement une interrogation : aurions-nous peut-être oublié quelque chose ? Qu’avons-nous donc oublié ?… Et : faut-il vraiment se souvenir de tout ?

Nous nous souvenons ensemble afin que l’histoire ne se répète pas. Et pourtant, l’expérience montre que le Centenaire de la Bataille de Nations de 1814 n’avait pas empêché le déclenchement de la boucherie de 14-18. Comme dans les films d’horreur où des monstres apparemment vaincus se relèvent sans cesse pour repousser le happy end, les guerriers renaissent éternellement et labourent de nouveaux champs de batailles. Qu’y peuvent nos mémoires ?

Mais, ne désespérons pas. A force de montrer du doigt les faiseurs de guerre, peut-être réduiront-nous progressivement le nombre des guerriers jusqu’à ce que le dernier carré dépose enfin les armes. Cet espoir nous pousse à nous souvenir ensemble, pas seulement pour nous compter et nous fortifier dans nos convictions, mais aussi pour être chaque fois un peu plus nombreux à freiner l’ardeur de ceux qui répondent à l’appel aux armes.

Combien de guerres faudra-t-il encore pour les faire disparaître ? Ou bien pourrions-nous accélérer le mouvement ? Par exemple, en nous souvenant ensemble de plus de guerres et plus d’horreurs inutiles ? Pour renforcer notre expérience de l’absurde ? Par exemple, notre mémoire franco-allemande gagnerait-elle à se souvenir de la Guerre de Trente Ans ? Des diverses dévastations dont celle du Palatinat ? De la saignée abominable des guerres napoléoniennes ?

Jusqu’en 1815 la soldatesque française dévastait régulièrement l’Europe centrale et l’Italie du Nord. Même l’Espagne n’avait pas été épargnée. Depuis la Renaissance jusqu’à 1945, 27 conflits ont opposé des uniformés français et allemands. Dans cet intervalle de temps les Français sont venus 23 fois sur le sol allemand, les Allemands 5 fois sur le sol français. Curieux oubli que celui du franchissement répétitif du Rhin par les Français ! Longtemps, en Europe, on craignait par dessus tout la France, LA nation guerrière de l’Europe…. Mais, depuis 1871, la réputation a changé de camp.

Alors, pourquoi pas additionner au lieu d’alterner les mémoires ?

A moins de 30 kilomètres de Strasbourg, de l’autre côté du Rhin, Renchen, l’ancienne ville de résidence d’été des Evêques de Strasbourg (jusqu’à l’annexion de 1681), abrite le Musée Grimmelshausen. En effet, peu d’années après la Guerre de Trente Ans, l’auteur du Simplicius Simplicissimus y avait officié comme bailly. Avant la guerre la ville de Renchen comptait 2 000 âmes. Trente années après le village de Renchen en comptait à peine 90. Du château des évêques rasé par les Français il ne reste qu’un promontoire d’où l’on peut voir la tour de la Cathédrale de Strasbourg.

Une mémoire franco-allemande en miniature ? Oui, mais aussi le lieu de l’écriture d’un monument majeur de la littérature allemande et la mémoire d’une énorme guerre européenne, de ses nombreux combats franco-allemands et de ses horreurs sans fin. Les trois quarts des Allemands du Sud-Ouest avaient disparu et les Nations allemandes de l’époque devront attendre plus d’un siècle avant de pouvoir se remettre de ce trou démographique, peu de temps avant celui que creusera Napoléon Ier.

Peut-être, en 2048, nous souviendrons-nous ensemble, Allemands et Français, que déjà 400 ans avant nous avions de nombreuses raison de signer un traité de paix perpétuelle.

En attendant, allez donc visiter le petit Musée Grimmelshausen à Renchen et, surtout à l’occasion du Centenaire de la Grande Guerre, découvrez ou relisez ce chef d’oeuvre qu’est Der abenteuerliche Simplicissimus Teutsch (ou Simplicius Simplicissimus), la narration crue par un simple d’esprit de l’absurdité de la guerre.[divider][/divider]

Lien vers le Simplicissimus-Haus à Renchen (Pays de Bade)

Lien vers les Amis du Simplicissimus-Haus (en allemand)

Lien vers l’article Wikipedia Les Aventures de Simplicius Simplicissimus

Lien vers l’article Wikipedia Grimmelshausen