Chacun voit la laïcité à sa porte. Dans les agendas de nos profs chaque jour a son Saint, en Bavière on fait la chasse aux crucifix dans les classes. Les subventions aux écoles religieuses étonnent les Allemands, la Kirchensteuer (*) choque les Français.

Problème de vocabulaire : les Allemands ne font pas la subtile distinction laïc-laïque. Le Laie (le laïc) est un croyant qui ne fait pas partie du clergé. D’où, en allemand, un sens dérivé : profane, non-professionnel, non-spécialiste, voire bricoleur. Laienhaft (à la manière du laïc) est synonyme de dilettantisme ou sabotage du travail.

Si la loi de 1905 n’utilise pas le mot laïcité, la séparation de l’Eglise et de l’Etat a laïcisé la vie civile et politique, tout comme en République de Weimar quatorze ans plus tard. Le principe était déjà dans la Constitution américaine de 1776 (repris au Japon en 1889). En Allemand, ce processus de séparation, commun à tous les états modernes, est la Sekularisierung (cf. la sécularisation des biens d’église allemands de 1803).

La radicalité affichée en France dissimule une réalité plus nuancée : l’état subventionne des écoles confessionnelles privées (pas loin du tiers des écoles françaises) ; l’Alsace-Lorraine vit encore sous le Concordat de 1801 ; la propriété publique des églises oblige le contribuable à payer une part de leur entretien.

Le modèle de la séparation allemande est plus partenarial. L’Etat reconnaît aux Eglises leur rôle de corps constitués à côté des seize Etats de la Fédération (**) avec un budget correspondant. Mais, interdites de la levée d’impôt, les Länder le font pour elles et encaissent au passage un petit pourcentage (cet « arrangement » date de la sécularisation de 1803).

Caricature extrême : l’Etat français allège les charges des communautés religieuses, les Länder allemands facturent les services rendus.

Changement de perspective : l’Etat français s’est émancipé de la tutelle de l’Eglise catholique, mais son empreinte reste présente ; en Allemagne, les règles de cohabitation ont donné l’indépendance aux Eglises.

De part et d’autre du Rhin les contreverses sur les mérites respectifs de chaque système n’ont jamais cessé. En 1871, la Prusse avait sécularisé l’enseignement religieux, en 2005 la France laïque rétablit le principe de l’enseignement du fait religieux. Les deux Etats ont aussi une même difficulté à dialoguer avec l’oumma sunnite dont les dogmes excluent l’ecclesia.

(*) impôt d’Eglise
(**) Staatsferne Körperschaften öffentlichen Rechts